RAPPORT SCIENTIFIQUE DU CNRS, JUIN 2013
Les prouesses du cerveau
La science démêle peu à peu l’écheveau de la complexité cérébrale. Dispositions des babouins à l’apprentissage de l’orthographe et des abeilles à l’abstraction, comportement du cerveau d’un patient dans le coma comptent parmi ces nouvelles découvertes.
L’orthographe n’est pas le propre de l’homme
La lecture a toujours été étudiée en tant qu’objet linguistique intimement lié à la parole. Or une étude menée chez les babouins montre que des connaissances orthographiques élémentaires peuvent être acquises sans connaissances linguistiques préalables. Placés face à un écran tactile, sur lequel défilaient des séquences de quatre lettres, les singes ont appris à distinguer de véritables mots anglais comme BANK de pseudo-mots tels que TELK. Ces résultats suggèrent que les premières étapes de la lecture chez l’homme sont conditionnées par une expertise en reconnaissance d’objets visuels que nous partageons avec les primates.
Science avril 2012
Un cerveau dans le coma modifie ses branchements
En associant l’IRM fonctionnelle à des méthodes robustes de traitement statistique du signal, une équipe internationale a montré que le cerveau de patients non traumatisés dans le coma subissait une profonde réorganisation. Si la connectivité cérébrale globale est conservée, l’analyse au niveau local montre en revanche une différence très nette avec des personnes en bonne santé. Ainsi, des régions cérébrales faiblement connectées chez le sujet sain apparaissent fortement connectées chez les patients dans le coma et inversement. Ces résultats pourraient aider les médecins confrontés à un cas de coma à établir leur diagnostic.
Proceedings of the National Academy of Sciences novembre 2012 online
Un robot contrôlé par un cerveau humain
Demander à un robot humanoïde d’effectuer diverses tâches par la pensée : c’est le défi relevé par une équipe internationale. Coiffé d’un simple casque électroencéphalographique, un être humain a dirigé un robot afin qu’il saisisse une canette, la déplace dans la pièce avant de la poser à une place choisie par l’homme. En l’absence de toute intervention manuelle, les ordres étaient transmis au robot par des signaux neuronaux qui oscillent à la même fréquence qu’un stimulus visuel clignotant. À terme, ces travaux pourraient contribuer à améliorer le quotidien des personnes tétraplégiques.
21st IEEE International Symposium on Robot and Human Interactive Communication (RO-MAN), du 9 au 13 septembre 2012, Paris, France
Des insectes capables d’abstraction
Les humains et certains grands singes n’ont pas le monopole de la conceptualisation. Des travaux menés chez les abeilles montrent que ces insectes peuvent eux aussi manipuler des concepts. Les chercheurs à l’origine de cette étude ont constaté que l’abeille confrontée à une situation nouvelle peut utiliser simultanément deux concepts différents de type « au-dessus de » ou « différent de » pour prendre une décision. Ces résultats inattendus et novateurs prouvent que des analyses cognitives sophistiquées sont possibles en l’absence de langage et malgré une architecture neurale miniaturisée.
Proceedings of the National Academy of Sciences avril 2012 online
Le climat sous haute surveillance
Simulations de l’évolution du climat, effets du changement climatique sur la biodiversité, élévation passée du niveau des mers… l’étude du climat est au cœur des préoccupations des chercheurs.
Biodiversité : le spectre d’une sixième extinction de masse
Comment le changement climatique affecte-t-il la biodiversité ? Pour tenter de répondre à cette question, des écologues ont analysé les articles scientifiques publiés sur ce thème dans la revue Ecology Letters. Leur étude fait tout d’abord ressortir trois grandes stratégies d’adaptation chez les espèces : suivi des conditions climatiques favorables dans l’espace, modification du cycle biologique pour le faire coïncider avec les nouveaux rythmes climatiques ou adaptations de nature physiologique. Pour celles qui ne peuvent suivre l’une ou l’autre de ces stratégies, l’extinction semble en revanche inéluctable. Afin d’estimer le nombre d’espèces qui risquent ainsi de disparaître, les chercheurs ont ensuite fait la synthèse, à l’échelle globale, des prédictions des modèles mathématiques visant à mesurer l’érosion de la biodiversité. Tous les modèles suggèrent que, dans les prochaines décennies, un très grand nombre d’espèces risque de s’éteindre à cause du changement climatique, justifiant le qualificatif de « sixième extinction de masse » souvent attribué à cette période de l’histoire de la biodiversité planétaire.
Ecology Letters janvier 2012 online
Mieux prévoir les événements extrêmes du pourtour méditerranéen
À l’automne 2012, HyMeX a lancé sa première campagne de mesures intensives. Rassemblant près de quatre cents scientifiques d’une vingtaine de pays, ce programme de recherche international a pour objectif d’améliorer la compréhension du cycle de l’eau dans le bassin méditerranéen. Combinant des moyens d’observation terrestres, maritimes et aériens, il se poursuivra jusqu’en 2020. Les données collectées serviront à affiner la prévision des risques hydrométéorologiques, à l’origine d’importants dégâts sur tout le pourtour méditerranéen, pour mieux en estimer l’impact environnemental économique ou sociétal dans le contexte actuel de changement climatique.
L’Univers sous tous les angles
Combinant observations, analyses statistiques, calculs numériques et expériences en laboratoire, les astrophysiciens décryptent avec assiduité les mécanismes à l’œuvre dans l’Univers. De la formation des satellites autour des planètes aux événements qui ont précédé l’apparition des premières galaxies, en passant par l’évolution de son expansion au fil de sa très longue histoire.
La moitié de l’Univers constituée de filaments cosmiques
Certaines simulations numériques, destinées à vérifier les prédictions de la théorie du Big Bang, suggèrent que notre Univers est structuré en une « toile cosmique » de filaments à l’intersection desquels se situent des amas de galaxies très massifs. En utilisant des données du télescope spatial Hubble, une équipe internationale est parvenue à réaliser une étude en trois dimensions d’un filament cosmique de matière sombre, quelques mois seulement après la première observation d’une telle structure. Les astronomes ont ainsi découvert que ce filament nourrit l’un des amas de galaxies les plus massifs de l’Univers et s’étend sur plus de soixante millions d’années-lumière. En extrapolant la mesure de sa masse à l’ensemble de la « toile cosmique », l’étude a en outre permis d’estimer que ces filaments cosmiques contiendraient la moitié de la masse totale de notre Univers. Cette valeur, bien plus importante que celle prédite par les théoriciens, pourra être précisée dès 2018 avec la mise en orbite du télescope spatial à très haute résolution James Webb.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society octobre 2012 online
Un nouveau type de rayons cosmiques identifié
C’est en passant en revue les données accumulées par XMM-Newton, le satellite d’astronomie en rayons X de l’ESA (Agence spatiale européenne), que des équipes françaises ont fait cette belle découverte : une nouvelle source de rayons cosmiques de basse énergie. D’après les investigations des astrophysiciens, ces rayons cosmiques seraient produits dans la collision à grande vitesse d’un amas d’étoiles proche du centre de notre galaxie avec un nuage de gaz se trouvant sur sa trajectoire. Ces résultats devraient notamment permettre d’identifier de nouvelles sources d’ions dans le milieu interstellaire.
Astronomy & Astrophysics octobre 2012 online
Premiers tirs laser réussis pour ChemCam
ChemCam, l’un des instruments majeurs qui équipent le robot Curiosity de la mission Mars Science Laboratory de la Nasa, a effectué avec succès ses premières analyses de roches martiennes. Développée pour moitié par des équipes françaises, cette « caméra chimique » dirige un laser pulsé sur la roche à analyser qui est alors vaporisée. Le rayonnement lumineux émis dans la réaction est analysé par des spectromètres qui établissent la composition chimique de l’échantillon. ChemCam devrait ainsi contribuer à caractériser la géologie de la planète Mars.