RAPPORT SCIENTIFIQUE DU CNRS, JUILLET 2015
LUMIÈRE SUR L’OPTIQUE ÉLECTROMAGNÉTIQUE
A la convergence de la vague « nano » et de la montée en puissance des ordinateurs, cette discipline ancienne révolutionne l’optique.
Lumière lente, confinement extrême et confinement d’impulsion, super-résolution, exaltation géante, imagerie en milieu trouble, capes d’invisibilité… ces dernières années, les spécialistes de l’optique ont mis en œuvre des situations où les interactions de la lumière avec la matière engendrent des phénomènes nouveaux. Non pas qu’ils aient remis en cause les fondements de l’optique dite électromagnétique : elle reste régie par les équations de Maxwell qui, depuis le XIXe siècle, indiquent comment se propagent les ondes électromagnétiques – et donc lumineuses – dans un milieu. Mais ils tirent désormais parti des possibilités offertes par les nanotechnologies de sculpter la matière aux plus petites échelles, couplées à la puissance accrue des calculateurs. « L’optique électromagnétique est aujourd’hui arrivée à un haut degré de maturité et laisse entrevoir, au-delà de ses aspects fondamentaux, des applications dans les télécommunications, l’éclairage ou la santé », confirme Claude Amra, à l’Institut Fresnel et co-organisateur du workshop « Optique électromagnétique, les nanoobjets au cœur de la lumière », qui s’est tenu le 2 décembre 2014 au siège du CNRS.
VOIR À TRAVERS UN MILIEU OPAQUE
Pour preuve, quelques résultats marquants sortis cette année des laboratoires du CNRS. Ainsi, des chercheur de l’Institut Fresnel ont par exemple montré que l’interaction d’une onde lumineuse dépolarisée, c’est-à-dire dont les champs électrique et magnétique associés ne présentent aucune orientation privilégiée, avec un milieu nanodésordonné en volume avait pour effet de repolariser localement cette onde avec une très bonne efficacité moyenne. Inattendue, cette observation ouvre la voie à une nouvelle possibilité de caractériser les propriétés de milieux hétérogènes. Par ailleurs, des physiciens du Laboratoire Kastler-Brossel et de l’Institut Langevin Ondes et images ont montré que la silhouette floue d’un objet vue à travers un milieu opaque contient suffisamment d’informations pour, à l’aide de puissants algorithmes, reconstruire une image nette de cet objet. De quoi envisager des applications pour l’imagerie médicale. Autant de prouesses qui illustrent la maîtrise des physiciens dans l’art de jouer avec la lumière.
FAIRE VIBRER UNE FIBRE AVEC DE LA LUMIÈRE
Le passage d’une onde lumineuse fait osciller des microfibres optiques
Les microfibres optiques, obtenues en étirant des fibres optiques typiques de celles utilisées dans les télécommunications, sont 50 fois plus fines qu’un cheveu. Et de ce fait présentent une section plus petite que la longueur d’onde de la lumière infrarouge. Cette situation peu commune est à l’origine d’une découverte surprenante. Des chercheurs de l’Institut Femto-ST en collaboration avec des collègues du Laboratoire Charles Fabry, ont constaté qu’un rayon laser infrarouge circulant dans une telle fibre, parce que la lumière s’y trouve d’une certaine manière comprimée, la faisait vibrer. Précisément, « cette mise en mouvement d’une amplitude de quelques millionièmes de millimètres résulte de la propagation d’une onde acoustique se déplaçant à plus de 3 000 mètres par seconde à la surface de la microfibre », explique Thibaut Sylvestre, à l’Institut Femto-ST. Particulièrement sensible à l’environnement qui l’entoure (pression, température, composition gazeuse, etc.), ce phénomène offre des perspectives intéressantes pour la conception de capteurs optiques à la fois très sensibles et très compacts.
UNE HORLOGE ATOMIQUE MINIATURE
Ultra précises, les horloges atomiques dites optiques tiendront demain dans un téléphone portable.
Depuis les années 1970, les horloges atomiques sont la référence universelle pour la mesure du temps. Leur très grande précision, basée sur l’excitation d’atomes de césium par des micro-ondes est aujourd’hui surpassée par une nouvelle génération d’horloges dites « à réseau optique ». Cette technologie faisant appel à des lasers d’ondes visibles, les atomes y sont en effet excités à des fréquences bien plus élevées. Des chercheurs du laboratoire XLIM, en collaboration avec des physiciens de l’université de Tokyo, ont franchi un pas important vers la miniaturisation de ces dispositifs 100 fois plus précis qu’une horloge atomique conventionnelle. Comment ? En parvenant à confiner une chaîne d’atomes de strontium dont la température est proche du zéro absolu (-273,15°C) à l’intérieur d’une fibre optique creuse spécialement conçue à cet effet. Précisément, la prouesse des scientifiques est d’être parvenue à loger ces atomes dans le cœur de la fibre en évitant que leur état quantique ne soit altéré par ses parois pourtant proches de quelques millièmes de millimètre. « La configuration fibrée autorisant l’assemblage les uns à la suite des autres d’un nombre quasi-illimité d’atomes sans qu’ils ne rentrent en collision, celle-ci permet d’augmenter l’amplitude du signal tout en conservant sa précision », explique Fetah Benabid, au XLIM et co-auteur de l’étude. Parce qu’il s’appuie sur un réseau de fibres de dimension micrométrique, un tel dispositif ouvre la voie vers la mise au point d’horloges universelles de grande précision pas plus grandes qu’un smartphone.