GRAND PARIS INFOS, PREMIER TRIMESTRE 2017
Lancé officiellement le 4 juin 2016, le chantier du futur métro automatique a d’ores et déjà débuté dans le sud de l’agglomération parisienne. Tour d’horizon des défis qui attendent ce projet pharaonique, dont la fin des travaux n’est pas attendue avant l’année 2030.
Depuis quelques mois, les engins de chantier s’activent dans le sud de l’agglomération parisienne, où les travaux de construction du Grand Paris Express ont officiellement démarré. Sur la commune de Clamart, pelles mécaniques et bulldozers sont à pied d’œuvre aux abords de ce qui deviendra, d’ici quelques années, la gare de Fort d’Issy-Vanves-Clamart. Il en va de même tout le long du tracé de la future ligne 15 Sud, entre Pont-de-Sèvres, dans les Hauts-de-Seine, et Noisy-Champs dans le Val-de-Marne. Cette ligne de métro, qui connectera entre elles les villes de la petite couronne situées au sud de Paris, doit être le premier tronçon du Grand Paris Express à entrer en fonction… autour de 2022. Si le creusement des infrastructures souterraines n’est pas pour tout de suite, plus rien ne semble désormais s’opposer à l’avancement du chantier, comme le rappelait en septembre dernier Philippe Yvin, président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP), l’établissement public créé par l’État en 2010 pour concevoir et réaliser le futur métro automatique francilien : “Toutes les enquêtes publiques sont à ce jour réalisées et, d’ici mi-2017, 14 des 16 gares de la ligne 15 Sud seront en travaux. Notre engagement est total pour réaliser le Grand Paris Express dans le respect du calendrier, des coûts et des personnes, au premier rang desquelles les riverains.” Le dirigeant de la SGP entendait ainsi formaliser la mise en route d’un projet attendu de longue date. D’ici la fin de l’année 2017, les travaux préparatoires à la réalisation des 16 gares de la ligne 15 Sud (voir schéma du futur réseau) et autres ouvrages annexes 1 seront en principe terminés. Cette première étape consiste à repérer les réseaux souterrains d’eau, de téléphone, d’électricité et de chauffage urbain avant de procéder à leur déplacement. Les bâtiments situés à l’aplomb des futures gares, préalablement rachetés par la SGP, vont également être démolis lors de cette phase du chantier. Pour l’aménageur, il s’agit de faire “place nette” avant des opérations de génie civil beaucoup plus lourdes.
PREMIER INCIDENT SUR LE PROLONGEMENT DE LA 14
Au nord de l’agglomération, le chantier qui vise à prolonger la ligne 14 en direction de la mairie de Saint-Ouen tient la cadence. Pour l’heure, les équipes de la société Spie Batignolles TPCI parachèvent les fondations des stations de Pont Cardinet, Clichy Saint-Ouen RER et Mairie de Saint-Ouen. Pour mener à bien cette opération délicate, les ouvriers font appel à la technique de la paroi moulée. Cette méthode de construction, qui sera employée pour toutes les gares du Grand Paris Express, consiste à creuser des tranchées dans lesquelles sont ensuite coulés les murs destinés à former les enceintes de la future station souterraine. Parallèlement à ces travaux, deux tunneliers percent les 5,8 km de galeries qui relieront d’ici 2019 la station Saint-Lazare (actuel terminus de la ligne 14), à la nouvelle station Mairie de Saint-Ouen. À la fin du mois d’octobre, ces véritables usines mobiles que sont les tunneliers (voir encadré) avaient déjà réalisé la moitié de ce tronçon, dont la réalisation est supervisée par l’entreprise Eiffage. Le 27 juin dernier, le chantier de prolongement de la 14 a néanmoins connu un premier incident important. Ce jour-là, des milliers de mètres cubes d’eau en provenance de la nappe phréatique ont submergé le sous-sol de la future station Porte de Clichy. Quatre mois après cette inondation, le chantier de la future gare n’avait toujours pas redémarré, laissant planer le doute quant au respect d’un planning déjà très serré. L’incident préfigure- t-il les déconvenues auxquelles devront faire face les entreprises de BTP qui seront chargées d’édifier le réseau du Grand Paris Express ? Avec plus de 200 km de tunnels à percer et 68 gares souterraines à ériger, il y a en tout cas fort à parier que l’objectif 2030 ne sera pas tenu, si ce genre de problèmes devait se reproduire.
RENDRE ACCEPTABLE UN CHANTIER AU LONG COURTS
Le chantier du Grand Paris Express demeure exceptionnel de par son étalement dans le temps et son étendue. Car il ne s’agit pas d’un, mais de dizaines d’aménagements, qui seront lancés simultanément au plus fort des travaux. Or, les nuisances cumulées (et déjà constatées) de ces petits chantiers qui s’étaleront sur 15 ans dans toute la région parisienne constituent à coup sûr le nœud gordien du Grand Paris Express. « Si l’on veut que le projet se déroule dans de bonnes conditions, l’acceptabilité sociale et politique de la part des communes seront indispensables » , assure Pierre Serne, élu Europe Écologie Les Verts (EELV) au conseil régional d’Île-de-France. Ce dernier redoute en particulier l’arrivée d’une noria de camions avec la montée en puissance du chantier. « À chaque fois que cela sera possible, les puits d’entrée des tunneliers devront être installés au plus près des voies navigables ou aux environs de gares ferroviaires existantes, afin de limiter l’évacuation des déblais par la route », souligne le conseiller régional. La construction des futures gares ne sera pas non plus sans conséquence pour les riverains et les autres usagers de la route : disparition de places de parking, déviation ou neutralisation d’axes routiers, pollutions et embouteillages supplémentaires occasionnés par la circulation incessante des engins… Afin de proposer des solutions innovantes à même de limiter ces désagréments, la SGP et le Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif ) ont lancé en juin dernier un appel à projets Mobilités auprès des entreprises. Comme l’avait alors expliqué au journal Les Échos John Tanguy, responsable de l’innovation à la SGP, “tous les aspects du problème doivent être envisagés : circulation, mais aussi information voyageurs, place des nouvelles formes de mobilité, accompagnement au changement… Les entreprises lauréates vont pouvoir tester leurs solutions pendant plusieurs mois sur la ligne 15 Sud, et si cela fonctionne, le dupliquer ailleurs”.
BUDGET ET TRACÉ FONT TOUJOURS DÉBAT
Mener à bien un projet aussi titanesque et ambitieux que le Grand Paris Express nécessite un budget à l’unisson. Chiffrée autour de 25 milliards d’euros, l’enveloppe allouée au GPE ne prendrait pas suffisamment en compte le coût associé au raccordement du futur métro aux réseaux de transports ferrés existants. Ces travaux, estimés autour d’1,5 milliard d’euros par la SGP, doivent être financés à hauteur de 30 % par cette dernière. La différence, soit plus d’un milliard d’euros, resterait à la charge des collectivités locales et des opérateurs RATP et SNCF. Mais plusieurs élus régionaux, au premier rang desquels figure la présidente (LR) du conseil régional d’Île-de-France, Valérie Pécresse – ainsi que les écologistes – considèrent que ce budget est sous-évalué. Selon eux, 1,5 à 2 milliards d’euros supplémentaires seraient nécessaires afin de connecter dans de bonnes conditions le futur métro francilien. « Pour la seule gare de Champigny- Centre de la ligne 15 Sud, le coût associé aux travaux d’interconnexion avec le réseau est estimé à 450 millions d’euros. Or il y aura beaucoup d’autres gares de raccordement comme celles-ci à réaliser », s’insurge Pierre Serne. Les écologistes franciliens remettent également en cause la pertinence de certains tronçons du futur métro. Au nord de l’agglomération, la section de la ligne 17 située entre la gare Le Bourget RER et l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle n’a, selon eux, d’autre but que de desservir EuropaCity, un immense complexe commercial censé voir le jour au niveau du Triangle de Gonesse (voir carte du tracé du Grand Paris Express). Au sud-ouest de Paris, la ligne 18, qui doit relier le plateau de Saclay à l’aéroport d’Orly à l’horizon 2024, fait aussi polémique. D’après les estimations du Stif, l’autorité organisatrice des transports en région Île-de-France, le nombre de voyageurs susceptibles d’emprunter cette section du Grand Paris Express serait insuffisant pour justifier la création d’un tel métro. “La construction de la ligne 18 est évaluée à 3 milliards d’euros, hors matériel roulant, pour un trafic estimé entre 50 000 et 100 000 voyageurs par jour. Dans ces conditions, la rentabilité socio-économique du projet sera très faible”, annonçaient, non sans une certaine prudence, les représentants du Stif lors de l’enquête publique organisée en mars 2016. À ce stade du projet, la remise en question de l’utilité de certains tronçons du Grand Paris Express paraît toutefois peu probable. Car, comme le martelait encore récemment Philipe Yvin dans une tribune parue dans Les Échos, “le Grand Paris Express est décisif pour l’évolution de la métropole parisienne (…), c’est un projet de long terme et d’intérêt national parce qu’il va bénéficier au pays tout entier.”