JOURNAL DU CNRS N°267, JUILLET-AOÛT 2012
Des chercheurs viennent de mettre au point une nouvelle méthode de séquençage de l’ADN, moins chère et plus précise que celles actuellement employées. Et, grâce à la start-up Picoseq, créée au mois de mai, ils s’apprêtent à la commercialiser. Leur méthode permet de s’affranchir de plusieurs inconvénients que présentent les techniques actuelles. « ces dernières impliquent en effet la multiplication en grand nombre de la séquence ADN à cartographier, ce qui induit souvent des biais, précise Vincent Croquette, biophysicien au Laboratoire de physique statistique de l’ENS, à Paris. En outre, l’utilisation systématique de marqueurs fluorescents reste relativement chère. »
La stratégie mise au point par le scientifique et son équipe consiste à réaliser un séquençage à partir de molécules uniques d’ADN. Cette approche innovante, publiée récemment dans Nature Methods, repose sur l’ouverture mécanique du double brin d’ADN à déchiffrer. Pour cela, il faut tout d’abord lui donner la forme d’une épingle à cheveux, grâce à une enzyme ligase. Placée en solution, cette épingle d’ADN est ensuite accrochée à une bille magnétique par l’une des deux banches de la fourche tandis que la seconde est maintenue fixée à une plaque de verre. En tirant sur la bille à l’aide d’aimants la molécule double brin s’ouvre alors comme une fermeture Éclaire. Différents petits fragments d’acides nucléiques synthétiques -des oligonucléotides comme CTG, AGG, GAG,…- ajoutés à la solution viennent alors s’associer par complémentarité au simple brin d’ADN ainsi formé: une séquence CTG se plaçant toujours en face de GAC, une séquence AGG toujours en face de TCC, etc. « Lorsqu’on relâche la tension exercée sur la molécule d’ADN, celle-ci se referme en marquant des poses à chaque fois qu’elle butte sur l’un de ces petits fragments. », explique le chercheur. Il ne reste plus qu’à étudier les blocages successifs associés à chacun de ces fragments d’oligonucléotides pour obtenir, selon les lois de complémentarité, une empreinte fidèle de la molécule d’ADN de départ.
Cette méthode de séquençage présente un autre avantage par rapport aux méthodes existant actuellement. A l’inverse de celles-ci, la nouvelle technique parvient en effet à cartographier des enchainements atypiques de nucléotides impliqués dans certaines pathologies génétiques graves comme la maladie de Huntington. Cet atout devrait aider Picoseq de trouver sa place sur le marché très compétitif du séquençage génétique.