EN DIRECT DES LABORATOIRES, NOVEMBRE 2014
Quelle est l’influence de l’homme sur l’élévation du niveau de la mer? En s’appuyant sur les données d’un vaste réseau de marégraphes disséminés aux quatre coins de la planète, une équipe internationale réunissant des chercheurs de l’unité Espace pour le développement (ESPACE-DEV), du laboratoire LIttoral, environnement et sociétés (LIENSs) et de l’Institute for Geophysics and Meteorology de Cologne en Allemagne, montre que notre implication est loin d’être négligeable. Leur étude,publiée début septembre dans Geophysical Research Letters, révèle en effet que la hausse du niveau des océans observée depuis plus d’un siècle dans les enregistrements marégraphiques ne peut, dans deux tiers des cas, être expliquée sans tenir compte de l’impact de nos activités.
Installés vers la fin du XIXe siècle dans plusieurs villes portuaires de la planète pour faciliter la navigation, les marégraphes nous fournissent également un aperçu de l’évolution du niveau des océans au cours des 100 à 150 dernières années. Par l’analyse de ces données séculaires provenant de 59 marégraphes disséminés à travers le globe, une équipe franco-allemande est parvenue à déterminer, pour la première fois, la contribution des activités humaines dans l’élévation du niveau de la mer. Pour mener à bien leurs investigations, les chercheurs se sont appuyés sur le fait que, de manière naturelle, le niveau de la mer en un lieu précis et à un instant t dépend en partie des valeurs qui l’ont précédé. Un peu comme si celui-ci possédait la « mémoire » de toute l’histoire antérieure de ses fluctuations. « En appliquant des méthodes statistiques aux enregistrements marégraphiques dont nous disposions, nous avons pu tenir compte de cet effet « mémoire » et distinguer ainsi la part naturelle de la part anthropique de l’élévation du niveau des océans à la fois à l’échelle régionale et globale », précise Mélanie Becker, scientifique au sein d’ESPACE-DEV (IRD/Université Montpellier 2/Université de La Réunion/Université des Antilles et de la Guyane) et principal auteur de ces travaux.
L’étude montre ainsi qu’au niveau des villes de New-York, Baltimore, San Diego, Marseille et Mumbai, l’impact de l’homme a contribué à plus de 50% de l’élévation du niveau de la mer au cours du XXe siècle. Il en va de même le long du littoral sud de la Mer du Nord et dans la Mer Baltique. A l’échelle de la planète, l’équipe estime par ailleurs qu’au cours du XXe siècle les activités humaines ont engendré une élévation d’1 mm/an du niveau des océans, soit plus de la moitié de la hausse observée durant cette période. Néanmoins, bien que la méthode employée montre sans ambiguïté l’implication à long terme des activités humaines sur l’élévation du niveau de la mer, elle ne fournit aucune information sur les causes de cette hausse : « En recoupant les données issues des enregistrements marégraphiques avec l’analyse détaillée et contextualisée de chaque situation locale étudiée, nous pourrons déterminer si l’élévation du niveau des océans résulte de perturbations locales telles que les aménagements portuaires ou d’un bouleversement à grande échelle comme le changement climatique », conclut Mikhail Karpytchev, chercheur au LIENSs (CNRS / Université de La Rochelle) et coauteur de ces travaux.