EUREKA LORRAINE, JUILLET 2015
A une époque où la compétition économique se joue à l’échelle planétaire, la défaillance n’a plus droit de citer dans le secteur industriel.Les travaux du Centre de recherche en automatique de Nancy (CRAN) visent justement à améliorer les performances des entreprises dans de nombreux domaines.
Quel est le point commun entre un pneumatique, un avion de ligne et une voiture particulière ? Chacun d’eux bénéficie désormais des préceptes du Prognostics and Health Management (PHM) de leur conception à leur démantèlement en passant par leur exploitation. D’abord cantonné aux secteurs de pointe comme la recherche spatiale ou l’aéronautique, le PHM intéresse désormais tous les industriels désireux d’optimiser le fonctionnement de leurs outils de production ou les services associés au produit qu’ils délivrent. « Si ces méthodes basées sur l’utilisation d’algorithmes et de modèles mathématiques prennent une part grandissante dans les activités de l’entreprise, c’est parce qu’elles sont devenues l’un des principaux leviers d’action dans la quête d’amélioration continue de ses performances » souligne Benoît Iung, chercheur au CRAN (CNRS/Université de Lorraine) travaillant sur cette thématique dans le cadre d’initiatives telles que l’Usine du Futur (France) ou l’Industrie 4.0 (Allemagne).
Les recherches en PHM que le CRAN mène notamment en collaboration avec Renault/Nissan ou l’usine Continental de Sarreguemines visent à intégrer à leurs chaînes de fabrication respectives de nouvelles technologies de surveillance, de diagnostic, de pronostic ou d’aide à la décision à la fois plus adaptables et plus écologiques. Les scientifiques élaborent pour cela un bilan de santé détaillé des moyens de production dont dispose l’entreprise. Principal objectif de ces investigations : maintenir les machines en condition opérationnelle le plus longtemps possible. « Cela consiste à favoriser autant que possible la réutilisation de pièces dégradées d’un bout à l’autre d’une chaîne d’assemblage pour minimiser les rebuts ou bien faire en sorte qu’une machine-outil devenue moins performante dans l’usinage de certains composants puisse accomplir des tâches techniquement moins complexes plutôt que de subir de longues heures de maintenance » illustre le chercheur. Le LabCom PHM FACTORY s’inscrit totalement dans cette démarche. Ce laboratoire commun au CRAN et à la PME nancéenne PREDICT, soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche, devrait voir le jour à l’automne prochain. Sa mission : industrialiser et développer de nouveaux algorithmes de PHM destinés à révolutionner les progiciels* de diagnostic/pronostic des installations industrielles commercialisés par l’entreprise.
«Aider l’être humain à se réapproprier le fonctionnement toujours plus complexe des machines»
Un autre aspect des recherches du CRAN concerne la maintenance des objets du quotidien. En quelques années, ceux-ci n’ont cessé de se complexifier, à tel point que leur contrôle finit par nous échapper. L’électronique embarquée à bord d’une voiture moderne limite par exemple les capacités de son propriétaire à diagnostiquer une panne éventuelle. En plaçant des capteurs de température ou de vibrations au contact des pièces essentielles au bon fonctionnement du véhicule, les chercheurs du centre de recherche nancéen étudient la possibilité de s’affranchir de cette contrainte. Une fois traitées par l’algorithme approprié, les données ainsi collectées seraient à même d’aider le conducteur à diagnostiquer lui-même le risque de défaillance technique de son automobile. Les services associés au déplacement, au confort ou à la consommation du véhicule pourraient de la même manière être optimisés. « La finalité de nos travaux c’est aussi aider l’être humain à se réapproprier le fonctionnement toujours plus complexe des machines qui nous entourent » conclut Benoît Iung.
* Néologisme formé par la contraction de produit et logiciel, le progiciel est un logiciel applicatif conçu pour répondre à des besoins ordinaires.
© photo : BMW Werk Leipzig – CC BY-SA 2.0 DE