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GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT  N°8 ,  AUTOMNE 2014

Alors que le projet Grand Paris passera bientôt à la vitesse supérieure avec le lancement des travaux du métro Grand Paris Express, le surplus de déchets engendré pourrait bien devenir problématique s’il n’est pas suffisamment anticipé. Une préoccupation d’autant plus légitime que les sites franciliens dédiés au stockage des déchets du BTP sont loin d’être équipés en conséquence.

POUR SE FAIRE UNE IDÉE DE L’AMPLEUR DU CHANTIER DU GRAND PARIS, il convient de prendre de la hauteur. Depuis le sommet de la Butte-Montmartre la forêt de grues de chantier qui hérissent le ciel de la capitale et des villes environnantes témoignent en effet du dynamisme du secteur de la construction en Ile-de-France. Revers de la médaille: l’embellie que connaissent actuellement le bâtiment et les travaux publics (BTP) franciliens génère un volume de déchets conséquent, en constante augmentation. Ainsi, selon l’Observatoire régional des déchets d’Ile-de-France, le BTP produit 32 millions de tonnes de déchets dans la région, soit une augmentation de 15% par rapport à 2010. « D’ici 2026, la quantité de déchets du BTP produite chaque année en Ile-de-France bondira encore de 35% sous l’effet de la mise en chantier du Grand Paris Express et d’autres réalisations dont l’édification s’inscrit dans le cadre d’Ile-de-France 20301», assure Corinne Rufet, vice-présidente à l’environnement, l’agriculture et l’énergie au conseil régional. Or à peine 1/4 de ces déchets, essentiellement inertes2, sont aujourd’hui recyclés. Le reste est envoyé en décharge sans compter les déchets entreposés dans des dépôts sauvages ou ceux pris en charge par des entreprises pas toujours respectueuses de la législation en vigueur. Sans parler non plus de la saturation des décharges de la région d’ici cinq ans annoncée par les experts du secteur…

AMÉLIORER LE RECYCLAGE

Les réflexions menées dans ce domaine par la région Ile-de-France déboucheront début 2015 sur un Plan régional de prévention et de gestion des déchets de chantier (Predec). Son principal objectif ? Mettre en place une économie circulaire de la gestion de ces déchets dans le but de réduire leur volume tout en améliorant leur valorisation. La région espère ainsi faire passer le taux de recyclage des déchets inertes de 25 à 70 % d’ici 2026. Dans les cinq ans qui viennent le Predec envisage notamment la création de 10 plateformes dédiées au recyclage des bétons de démolition et des matériaux issus du démantèlement des chaussées. Une démarche qui vise à favoriser l’incorporation de ces granulats recyclés dans la fabrication de certains bétons. « Pour que la filière se mette en place il va falloir améliorer l’image de ces matériaux recyclés auprès des entreprises du BTP en systématisant par exemple leur utilisation par les maîtres d’ouvrage publics », précise Corinne Rufet. Augmenter le taux de recyclage des déchets de chantier implique en outre une montée en puissance des entreprises spécialisées dans ce type d’activité. En Ile-de-France cela nécessitera la mise en place de huit nouvelles chaînes de tri d’ici 2026. Le groupe Paprec, qui possède déjà deux installations de ce type dans la région, compte en inaugurer deux de plus dans les années qui viennent. Pour le numéro deux français du secteur, améliorer le recyclage des déchets passe aussi par le développement de solutions innovantes. « Le système de tri par flottaison que nous avons mis au point sépare les gravats, qui restent au fond, des plastiques et du bois qui flottent à la surface. Grâce à cette technique nous parvenons à recycler 75 % des matériaux que nous traitons », se félicite Erwan Le Meur, directeur de Paprec chantiers.

ANTICIPER POUR ÉCONOMISER

Le combat pour l’amélioration du recyclage des déchets de chantier se joue bien avant les chaînes de tri. Pour mener efficacement la démolition d’un bâtiment celle-ci doit en effet être envisagée par les maîtres d’ouvrage avant même la pose de la première pierre en privilégiant, par exemple, autant que possible les matériaux recyclés. Au quotidien, c’est toutefois loin d’être la norme. La conception des plaques de plâtre qui servent à édifier les cloisons des bâtiments est symptomatique de ce manque d’anticipation comme l’explique Dominique Duval, présidente d’Ile-de-France Environnement : « outre le plâtre, ces plaques contiennent du carton, des matières isolantes et des colles qui rendent leur recyclage à la fois très compliqué et très couteux ». Or, à chaque fois qu’un matériau s’avère trop contraignant à recycler, le maître d’ouvrage privilégie son enfouissement ou son incinération. Certains aménageurs commencent néanmoins à mieux anticiper la prise en charge des déchets de chantier à l’échelle de leur territoire d’influence. C’est notamment le cas de l’EPA Plaine de France. « L’aménagement sur 280 hectares du triangle de Gonesse prévoit d’ores et déjà que 70 % des déchets de ce chantier de très grande envergure seront recyclés », assure Damien Robert, son directeur général. À une échelle plus locale, l’écoquartier de Louvres et Puiseux-en-France a été l’occasion pour l’EPA Plaine de France de mener une réflexion très poussée sur la gestion des déchets de chantier générés par la réalisation de ce nouveau quartier. « Le creusement des fondations des immeubles a été pensé de telle sorte que le volume de terre excavé puisse être réutilisé au maximum sur place sous forme de remblais », indique Damien Robert. 50 000m3 de terre stockée sur place servira par ailleurs à l’élargissement d’un pont-route enjambant les voies du RER D sur la commune de Louvres. Une solution pragmatique qui permet d’économiser l’achat des remblais indispensables à l’agrandissement du pont.

VERS UNE PLUS GRANDE ÉQUITÉ

Traiter au plus près de leur source d’émission les déchets du Grand Paris fait également partie des prérogatives du Predec. Au cours de la prochaine décennie, une douzaine d’Installations de stockage de déchets inertes (ISDI) supplémentaires doivent en effet être créées dans le but d’améliorer leur maillage au niveau régional. Le Predec entend ainsi limiter le confinement de ce type d’instal­lations à certaines zones géographiques. « 65 % des déchets de chantier produits en l’Ile-de-France sont actuellement traités dans le seul département de la Seine-et-Marne alors que le Val-d’Oise n’en accueille que 10 % », observe Corinne Rufet. Par souci d’équité régionale aucun projet d’extension ou de création d’ISDI ne pourra d’ailleurs être autorisé en Seine-et-Marne dans les trois années qui viennent. Et pour éviter que ces déchets de chantier ne traversent toute l’Ile-de-France avant d’être valorisés, le Predec prévoit également de limiter ces flux entre départements limitrophes sur tout le territoire de la grande couronne parisienne. À titre d’exemple, les déchets d’un chantier situé dans les Yvelines ne pourront être entreposés en Seine-et-Marne qui ne partage aucune frontière avec ce département. Selon Erwan Le Meur du groupe Paprec, ces mesures ne permettront pas de faire face au surplus de déchets du Grand Paris si elles ne sont pas accompagnées de mesures fiscales en faveur du recyclage : « ce n’est qu’en taxant davantage la mise en décharge des déchets de chantier que l’économie circulaire de leur traitement prendra réellement son essor en Ile-de-France » affirme-t-il. La balle se trouve donc aussi dans le camp de la puissance publique.

1. Ile-de-France 2030 regroupe 25 nouveaux quar­tiers urbains et 72 gares ferroviaires qui, d’ici 2030, verront le jour tout au long des 200 km du tracé du Grand Paris Express.
2. Ce sont tous les déchets qui ne subissent aucune modification physique, chimique, ou biologique importante au fil du temps. Ils regroupent la pierre, la terre et les matériaux de terrassement, le plâtre, la céramique, les matériaux de démolition non mélangés, etc.

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