EN DIRECT DES LABORATOIRES, MAI 2017
Pour tenter de savoir pourquoi les arbres ne poussent pas au-delà d’une certaine altitude sur toutes les montagnes de la planète, une équipe internationale coordonnée par le professeur David Wardle de l’Université d’Umea (Suède), dans laquelle figuraient des chercheurs du Laboratoire d’Ecologie Alpine de Grenoble (LECA, CNRS / Université Joseph Fourier / Université de Savoie), a mené une enquête inédite sur sept massifs montagneux situés en zone tempérée. A l’appui d’analyses effectuées dans les sols de chacun de ces écosystèmes, de part et d’autre de la limite supérieure des arbres, les chercheurs ont constaté que le rapport entre la quantité d’azote et de phosphore présent dans le sol y était identique à la frontière entre forêt et prairies d’altitudes. Ces travaux publiés fin janvier dans Nature renforcent l’hypothèse selon laquelle l’extension des arbres en altitude serait davantage influencée par la modification de la composition minérale des sols que par l’élévation de température résultant du changement climatique.
Tous les écosystèmes de montagne de la planète sont particulièrement sensibles au réchauffement climatique. Cette vulnérabilité se traduit à la fois par la remontée de la limite des arbres et par des changements dans la structure de la végétation indépendamment des limites forestières. Depuis plusieurs années, ces milieux naturels d’altitude font ainsi l’objet d’une attention toute particulière de la part de la communauté scientifique. Une étude menée récemment par une équipe internationale, à laquelle ont contribué plusieurs chercheurs du Laboratoire d’Ecologie Alpine de Grenoble (LECA), s’est penchée de manière simultanée sur divers écosystèmes de montagne localisés dans sept régions tempérées du globe : l’Europe, l’île japonaise d’Hokkaido, le sud-est de l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Colorado (Etats-Unis), la Colombie Britannique (Canada) et la Patagonie chilienne.
Pour chacune de ces zones géographiques, les scientifiques ont notamment mesuré la concentration des minéraux du sol à différents niveaux d’altitude, de part et d’autre de la limite forestière. Des analyses effectuées au LECA ont révélé que le rapport entre la concentration d’azote et celle de phosphore était identique dans les sols des sept écosystèmes d’altitude étudiés dès lors que l’on atteignait la limite supérieure de la forêt. « Cette constance dans la concentration relative d’azote et de phosphore témoigne du rôle significatif de la composition des nutriments du sol dans l’établissement de la limite forestière des zones de montagne tempérées », souligne Sandra Lavorel, chercheuse en écologie fonctionnelle au LECA et coauteure de l’article.
L’équipe a par ailleurs tenté de décrypter les mécanismes à l’origine de cette réponse similaire de la part de zones montagneuses très contrastées tant du point de vue de la nature géologique des sols que de celle des espèces végétales présentes. Ils ont ainsi découvert que l’augmentation de la température, liée dans ce cas précis à la diminution de l’altitude, se traduisait pour chacune des sept régions échantillonnées par une variation simultanée de la teneur en matière organique du sol, de sa qualité et de la structuration des communautés de microorganismes associées. « Ces modifications étant en outre partiellement indépendantes de la limite altitudinale des arbres, nos travaux tendent à montrer que les effets du réchauffement climatique sur le fonctionnement des écosystèmes de montagne se manifesteront que les arbres migrent ou non en altitude », précise Sandra Lavorel.
Photo 1: Individu âgé d’Eucalyptus pauciflora à la limite altitudinale de la forêt dans les Alpes australiennes (Kosciuszko National Park) – © Karl Grigulis
Photo 2: Zone de combat des forêts d’Eucalyptus pauciflora dans les Alpes australiennes (Kosciuszko National Park). Cinq transects de 200 m autour de la limite des arbres ont été échantillonnés pour examiner le rôle de la limitation par les nutriments – © Karl Grigulis