VANOISE, N°15, ÉTÉ 2011
Le Parc national de la Vanoise compte pas moins de 1200 espèces de plantes à fleurs et de fougères. Cette richesse est le fruit de nombreuses influences climatiques, géologiques voire humaines. Tels des gardiens du temple, les botanistes veillent à la préservation de ce patrimoine botanique exceptionnel.
Délimité par la vallée de la Tarentaise au nord et celle de la Maurienne au sud, le Parc national de la Vanoise (PNV) constitue un véritable écrin de nature enchâssé dans le plus grand domaine skiable au monde. Au sein de cet espace protégé qui s’étend de l’étage montagnard à l’étage nival sur 530 km2, les plantes disposent de situations variées privilégiée. « L’orientation est/ouest de ces deux grandes vallées est à l’origine de versants sud (adret) et nord (ubac) très marqués, chacun abritant des plantes différentes », explique Thierry Delahaye, botaniste au Parc national. En Vanoise, et particulièrement en Maurienne, l’adret, est le domaine des plantes dites « substeppiques » qui, à l’image de l’emblématique stipe à tiges laineuses, affectionnent tout particulièrement ces milieux chauds et secs.
ADRET/UBAC,À CHACUN SA FLORE
Les ubacs, au climat beaucoup plus frais, hébergent pour leur part toute un cortège d’espèces arctico-alpines. A la fin de la dernière glaciation, il y a 12 000 ans, ces espèces qui vivent aujourd’hui dans les régions arctiques ont trouvé refuge dans les montagnes des régions tempérées. A proximité de la Vanoise, sur l’actuel piémont italien, des territoires non recouverts de glaciers ont vraisemblablement favorisé la colonisation du massif par ces epèces. A lui seul, le massif de la Vanoise compte environ 70 espèces de plantes arctico-alpines dans des biotopes très différents. Certaines comme le jonc arctique affectionnent la fraîcheur régnant aux abords des lacs et torrents de montagne. D’autres comme la potentille des neiges ou la laiche rupestre s’accommodent de conditions climatiques très rudes, des crêtes, perpétuellement ventées.
UN INVENTAIRE EXHAUSTIF
La laîche bicolore, autre espèce arctico-alpine, est, elle dispersée dans tout l’arc alpin. Sur le seul territoire du Parc, cette espèce qui apprécie le fond des vallons parcouru par les torrents a été localisée sur plus de 200 stations. Cette connaissance est assez récente. Dans les années 1970, à peine 10 sites accueillant laîche bicolore étaient répertoriés. Cet écart, qui n’a rien à voir avec un soudain refroidissement climatique, est le fait d’un grand effort de prospection réalisé par les agents du Parc national depuis la fin des années 1990. A cette époque, a commencé un inventaire, aussi exhaustif que possible, pour environ 200 espèces végétales patrimoniales et emblématiques de son territoire. Ce travail de fourmi permet de connaître la répartition de ces plantes d’élaborer des cartes précises sur lesquelles sont mentionnées les données géographiques (altitude, latitude, longitude…) de chaque station botanique nouvellement identifiée. Comme l’explique Claire Legaye, géomaticienne au Parc : « Grâce à une base de données et à un Système d’information géographique, les agents ont accès à toutes ces données et peuvent, par exemple, programmer de nouvelles prospections sur des secteurs où ces espèces n’ont pas encore été inventoriées. » Dans cette mission d’envergure, les agents sont épaulés par les botanistes du Conservatoire botanique national alpin. Bien qu’il repose sur des méthodes de travail identiques, leur inventaire de la flore est en effet complémentaire de celui entrepris par le Parc comme le précise Gilles Pache, botaniste au CBNA : « Alors que les agents de terrain du Parc focalisent leurs efforts de prospection sur les espèces patrimoniales, nous nous intéressons aussi aux plantes plus communes ainsi qu’à la cartographie des habitats naturels de ces espèces.»
LE RÔLE DE L’AGRICULTURE
Sur le territoire du Parc, la grande diversité des écosystèmes résulte d’un faisceau d’influences. Si la différence entre adret et ubac, bien marquée en Vanoise, constitue un élément clé de cette richesse, la nature géologique du massif joue également un rôle important. Le massif est en effet constitué d’un véritable imbroglio géologique alternant formations calcaires, schistes et roches beaucoup plus acides. Sous l’effet de l’érosion, les premières donnent ainsi naissance à des éboulis relativement grossiers colonisés jusqu’à 3000 mètres d’altitude par le doronic à grandes fleurs. Les schistes forment au contraire des éboulis fins et instables offrant un biotope idéal à la saxifrage à feuilles opposées. Impossible de terminer ce survol des richesses botaniques de la Vanoise sans évoquer le rôle de l’agriculture de montagne. En exploitant différemment les espaces (prairies de fauche, cultures céréalières, pâturages) l’agriculture traditionnelle a, des siècles durant, entretenu la biodiversité végétale. Si les plantes messicoles comme le bleuet des champs ou la nielle des blés ont malheureusement disparu des vallées en même temps que la culture du blé, d’autres ont eu plus de chance. Le chardon bleu des Alpes fait parti des rescapées. Grâce à l’initiative du Parc national et de la commune de Pralognan-la-Vanoise, cette plante qui prospère dans les prairies de fauche, et qui était menacée de disparition il y a encore quelques années, a désormais de beaux jours devant elle.