JOURNAL DU CNRS N°270, JANVIER-FÉVRIER 2013

Pour décrire le monde, les physiciens des particules disposent d’une théorie : le modèle standard. Cette Bible recense toutes les particules élémentaires et la manière dont elles interagissent. Au fil des années, une « nouvelle physique » est apparue pour pallier les manques de ce modèle. Les physiciens ont ainsi développé des concepts comme la supersymétrie, inventé des particules comme les « nouveaux bosons de jauge massifs » ou la « 4e génération de fermions »…  Mais cette nouvelle physique est-elle démontrable ? Les derniers résultats obtenus au LHC (Grand collisionneur de hadrons), à Genève, ne plaident pas en sa faveur.

CE QUE L’ON VIENT DE MONTRER
Le 12 novembre 2012, un phénomène rare a été observé par les physiciens menant l’expérience LHCb ( qui explore comment a été créé l’Univers), à laquelle participent plusieurs équipes du CNRS : ils ont identifié une désintégration de particules appelées « mésons B étranges ». Selon le modèle standard, les mésons B étranges ont 3,5 chances sur 1 milliard de produire une paire de muons lorsqu’il se désintègrent. Or, « grâce aux données collectées en 2011 et la moitié de celles accumulées en 2012 par l’expérience LHCb  nous avons pu mesurer qu’une telle désintégration avait 3,2 chances sur un milliard de se produire », indique Laurent Serin. Bien que cette mesure expérimentale nécessite encore d’être affinée, elle n’en demeure pas moins très proche de la valeur prédite par le modèle standard. Ce résultat conforte donc un peu plus la solidité de celui-ci, déjà appuyé par la découverte, en juillet 2012, d’une nouvelle particule qui pourrait bien être le fameux boson de Higgs décrit par ce même modèle1.

CE QUE CELA IMPLIQUE
« Si les derniers résultats du LHC  illustrent la difficulté de mettre en défaut le modèle standard, ils ont  aussi permis d’éliminer certaines hypothèses issues de la nouvelle physique, celles sans le boson de Higgs par exemple », souligne Laurent Serin. D’autres théories restent en course, comme la supersymétrie, mais les scientifiques du LHC doivent apporter la preuve expérimentale de leur validité. Leur stratégie ? Scruter les effets possibles de ces théories dans des phénomènes encore jamais observés : « De tels effets peuvent être révélés en  mesurant  des déviations par rapport au modèle standard de phénomènes très rares comme la désintégration repérée par LHCb, précise le physicien. L’autre stratégie consiste à explorer des domaines d’énergie encore non atteints par les expériences du LHC dédiées à l’observation de nouvelles particules. »

CE QU’IL RESTE A DÉCOUVRIR
D’ici peu, les équipes du LHC parviendront à caractériser la nature précise du boson repéré le 4 juillet 2012. « L’exploitation des données statistiques générées par les expériences Atlas et CMS au cours des trois dernières années devrait permettre de confirmer que son spin est bien de valeur 0 », assure Laurent Serin. Si tel est le cas les scientifiques auront alors montré que cette particule s’apparente de plus en plus au boson de Higgs du modèle standard. Le fonctionnement du LHC a été interrompu depuis peu afin de consolider les connexions des aimants supraconducteurs, et reprendra à l’horizon 2015. Les  faisceaux de protons qui y entrent en collision atteindront alors un niveau d’énergie deux fois plus élevé qu’en 2012. Cette montée en puissance pourrait permettre de produire et de visualiser de nouvelles particules de très haute masse. Et peut-être, cette fois, de remettre en cause le modèle standard au profit d’une nouvelle physique à très haute énergie.

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