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DOSSIER SAGASCIENCE, MARS 2018

Depuis l’Antiquité, l’homme tente d’expliquer le mystère des origines de la vie. Dans son Histoire des animaux, rédigée il y a près de 2500 ans, le philosophe grec Aristote soutient ainsi que si certains organismes procèdent d’organismes similaires, d’autres, comme les insectes, apparaissent spontanément à partir de terres en putréfaction ou de substances végétales.Cette idée que des êtres vivants puissent surgir par génération spontanée à partir de la matière inerte va perdurer avant d’être progressivement remise en cause à partir du XVIIe siècle. La quête des origines de la vie est progressivement devenue un objet d’étude scientifique à part entière.

L’interminable débat autour de la génération spontanée

Le médecin et alchimiste flamand Jean-Baptiste Van Helmont publie en 1648 une méthode pour « créer » des souris à partir de grains de blé mélangés à une chemise souillée de sueur humaine. Constatant la présence de rongeurs après 21 jours d’incubation dans un placard, Van Helmont en déduit que le monde de l’inanimé peut laisser place à celui du vivant. Dans cette expérience, et dans les nombreuses autres qui suivront, la croyance en une génération spontanée résultera très souvent d’une mauvaise interprétation d’obl faut attendre 1668 pour assister à la première contestation du principe de génération spontanée par l’expérimentation. Au XVIIe siècle, le médecin et poète italien Francesco Redi dépose de la viande dans trois récipients à large goulot et les met de côté pendant plusieurs jours.

Il faut attendre 1668 pour assister à la première contestation du principe de génération spontanée par l’expérimentation. Au XVIIe siècle, le médecin et poète italien Francesco Redi dépose de la viande dans trois récipients à large goulot et les met de côté pendant plusieurs jours. Dans le premier récipient, scellé, la viande est intacte. Dans le second, laissé béant, il constate la présence de mouches et d’asticots. Le troisième récipient, dont le goulot avait été recouvert d’une simple gaze pour empêcher les mouches d’y entrer, ne contient que des asticots. Redi démontre ainsi que les asticots n’apparaissent pas spontanément, contrairement à ce que l’on imaginait encore à l’époque, mais qu’ils résultent de la ponte de certains insectes.

Près d’un siècle plus tard, l’abbé Lazzaro Spallanzani, également biologiste, poursuit ces expérimentations. Il porte à ébullition un bouillon de culture dans un récipient scellé, laissant ainsi à l’air la possibilité de s’échapper. Il ne décèle la croissance d’aucun organisme vivant à l’issue de son expérience. L’abbé Spallanzani en déduit donc que les microbes viennent de l’air et qu’ils sont tués par une ébullition suffisamment prolongée. Une question reste malgré tout en suspens : l’air n’est-il pas un facteur essentiel pour que se produise la génération spontanée ?

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 Les premières théories scientifiques

Lorsqu’il propose le concept du moule intérieur, en 1749, le naturaliste Georges-Louis Leclerc de Buffon s’oppose clairement à cette doctrine. Sa théorie soutient en effet que l’organisation des êtres vivants repose sur l’assemblage d’éléments organiques indivisibles, dont « l’addition » assure la vie et la « division » provoque la mort. L’organisation des corps n’est donc plus ici reliée à la volonté divine mais fondée sur un rapport d’union et de désunion de leurs constituants. Reste toutefois à justifier la répétition de ces agencements d’une génération à l’autre. Pour cela, Buffon suggère l’existence d’un moule intérieur propre à chaque être vivant : un cadre physique destiné à expliquer la régularité des combinaisons au sein d’une même espèce. Une sorte de programme génétique avant l’heure.

C’est le naturaliste français Jean-Baptiste de Lamarck qui propose la première classification des invertébrés. Dans la leçon introductive de son cours au Muséum en 1801, qui sera publiée en 1809 dans sa Philosophie zoologique, il pose la première hypothèse transformiste raisonnée. Il admet que les espèces se modifient progressivement au cours du temps, à partir d’un état primitif très simple apparaissant par génération spontanée. Les organismes étaient alors engagés dans un processus d’accroissement de la complexité. Si son interprétation n’eut pas beaucoup de succès, Lamarck est l’un des premiers a utiliser le terme de « biologie » pour désigner la science qui étudie les êtres vivants. La volonté d’ordonner le vivant – ou phylogénie, remonte à l’Antiquité. Aristote regroupait déjà les animaux en fonction de leur mode de reproduction. Théophraste, son disciple, classait les plantes selon leur usage et les méthodes employées pour les cultiver.

C’est à Carl von Linné que l’on doit la première approche scientifique de la classification des espèces. Dans l’ouvrage Systema naturae, qu’il publie en 1735, le médecin et botaniste suédois établit des niveaux hiérarchiques entre les plantes et les animaux ainsi qu’une nomenclature binomiale des espèces toujours en usage. Bien qu’elle dépende de caractéristiques physiques, cette forme de classification se base toutefois sur l’interprétation de la Bible en considérant que chaque espèce a été créée sous sa forme actuelle.

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Le tournant des années 1950

En 1953, Stanley Miller, doctorant à l’Université de Chicago, va mettre à l’épreuve l’hypothèse d’Oparine et Haldane sur la base d’une idée de son directeur de thèse, le prix Nobel de chimie Harold Clayton Urey. Pendant sept jours, les deux scientifiques remplissent un ballon d’un mélange gazeux de méthane, d’ammoniac, d’hydrogène et de vapeur d’eau et soumettent ce mélange à l’action d’un arc électrique simulant les orages de la Terre primitive.

Parmi les composés formés, Miller identifie l’acide cyanhydrique et le formaldéhyde, véritables passages obligés conduisant aux molécules biologiques. Il isole également plusieurs acides aminés, les éléments constitutifs des protéines, dont la glycine, le plus simple des acides aminés. S’ils ont tenté de démontrer que des composants essentiels pouvaient émerger à partir de réactions chimiques enclenchées par de l’énergie, les géochimistes ont établi par la suite que l’atmosphère terrestre primitive était essentiellement neutre. Elle était formée majoritairement de dioxyde de carbone (CO2), d’eau (H2O), et d’hydrogène sulfuré (H2S) d’origine volcanique ou micrométéoritique, avec des quantités mineures d’autres gaz tels que méthane (CH4), monoxyde de carbone (CO), et azote (N2).

Lorsque l’on refait l’expérience de Miller en passant progressivement du méthane au dioxyde de carbone, la formation d’acides aminés devient de plus en plus difficile. Si l’atmosphère primitive était réellement dominée par du dioxyde de carbone, elle ne pouvait pas être la source exclusive de la matière organique nécessaire à l’émergence de la vie terrestre et d’autres filières ont dû contribuer à la formation de molécules biologiques.

 

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Parallèlement, la découverte en 1953 de la structure en double hélice de l’acide désoxyribonucléique (ADN) par le biologiste britannique Francis Crick et le biochimiste américain James Watson, donne pour la première fois accès aux éléments matériels de la fonction biologique. C’est l’une des plus grandes découvertes du XXe siècle, révélant davantage l’étonnante complexité du vivant. Le code génétique sera déchiffré une dizaine d’années plus tard. Il devient dès lors possible d’étudier au niveau moléculaire les mécanismes qui portent puis transmettent l’information chez les êtres vivants.

Malgré l’avènement de la biologie moléculaire, les classifications du vivant continuent de reposer sur l’apparence extérieure des organismes jusqu’au milieu des années 1970. Le biochimiste et évolutionniste américain Carl Woese est le premier à se placer au niveau moléculaire pour comparer les gènes de différentes espèces. En se basant non plus sur des critères morphologiques mais sur la distance évolutive entre les êtres vivants, en utilisant l’acide ribonucléique (ARN) ribosomique comme marqueur évolutif, le scientifique parvient en 1977 à révéler l’extraordinaire diversité du monde microbien. A la suite de ces travaux, il proposera une classification de la vie selon le type cellulaire, en trois grands domaines : bactéries, eucaryotes, archées.

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Photo 1 : Platon (à gauche) pointe le doigt vers le ciel, symbole de sa croyance dans les idées. Aristote (à droite) pointe la paume de sa main vers le sol, symbole de sa croyance dans l’observation empirique. © Wikimedia commons/Domaine public
Photo 2 : Lazzaro Spallanzani. © Wikimedia commons/Domaine public
Photo 3 : Première page de The Origins of Species, by means of Natural Selection, publié en 1859. © Wikimedia commons/Domaine public
Photo 4 : Expérience de Miller-Urey, 1953. © Wikimedia commons/GFDL, CC-BY-SA license
Photo 5 : Animation montrant une molécule d’ADN sous sa forme B. © Wikimedia commons/Domaine public

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