EN DIRECT DES LABORATOIRES, MAI 2015

Arrivé en France il y a plus de dix ans, le frelon à pattes jaunes ou frelon asiatique (Vespa velutina) a colonisé une grande partie du territoire métropolitain. En comparant les caractéristiques génétiques de ces populations envahissantes à celles de populations issues de la zone d’origine du frelon asiatique,des scientifiques sont parvenus à reconstruire l’histoire de son introduction en France. Ces travaux publiés le 24 mars dans la revue Biological invasions ont également permis d’identifier des facteurs biologiques susceptibles d’expliquer le succès fulgurant de son invasion.

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Vespa velutina en action de prédation sur une abeille domestique – © Pascal Goetgheluck

Le frelon asiatique est la première espèce de frelon introduite accidentellement en France. Signalé pour la première fois en 2004 dans le département du Lot-et-Garonne, cet insecte originaire d’Asie occupe désormais les 2/3 du territoire français. Il a également été repéré en Espagne, au Portugal, en Belgique, en Italie et en Allemagne. Dans les régions les plus touchées, le frelon asiatique inquiète les apiculteurs car ce prédateur d’abeilles constitue un facteur supplémentaire de déclin de leurs colonies déjà fragilisées par les parasites et les insecticides agricoles. Dans le cadre d’un programme communautaire d’aide à l’apiculture européenne, une équipe réunissant des chercheurs du laboratoire Evolution, Génomes, Comportement, Ecologie (EGCE – CNRS/IRD/Université Paris Sud) de Gif-sur-Yvette, de l’Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité (ISYEB – CNRS/MNHN/UPMC/EPHE) et de l’Institut Sophia Agrobiotech (ISA – CNRS/INRA/UNICE) s’est intéressée à l’histoire de l’introduction du frelon asiatique en Europe. Pour ce faire, ils ont comparé, d’un point de vue génétique, quatre populations de frelons autochtones à deux populations envahissantes provenant respectivement de France et de Corée du Sud.  «A partir d’un échantillon d’individus prélevés dans chacune de ces zones géographiques, nous avons non seulement  mesuré la diversité génétique de chaque population grâce aux séquences d’ADN microsatellites mais aussi identifié leur origine maternelle par l’ADN mitochondrial »,  précise la principale auteure de ces travaux, Mariangela Arca, doctorante au sein de l’EGCE au moment de l’étude.

En combinant ces données génétiques aux paramètres démographiques déjà disponibles pour cette espèce, les chercheurs ont pu tester divers scénarii d’invasion. Contre toute attente, le scénario basé sur un seul événement d’introduction depuis l’Asie s’est avéré le plus probable. Son origine géographique a pu être localisée dans une zone comprise entre les provinces chinoises du Zhejiang et du Jiangsu. Celle-ci englobe à la fois la métropole de Shanghai et la ville de Yixing, renommée au niveau international pour la production de poteries. Ces résultats corroborent donc l’hypothèse selon laquelle le frelon asiatique serait arrivé en France par conteneurs de poteries chinoises importées via le port du Havre. Les analyses montrent par ailleurs que le frelon asiatique a vu la diversité génétique de sa population diminuer drastiquement lors de son arrivée en France, entre 2001 et 2004. Comment dans ce cas expliquer le succès de son invasion? Pour trouver des éléments de réponses, les biologistes ont procédé à un échantillonnage génétique des nids de frelons présents dans l’hexagone. Ils ont ainsi constaté que plusieurs lignées paternelles étaient présentes dans la majorité d’entre eux. Autrement dit, une femelle de frelon asiatique est capable de s’accoupler avec plusieurs mâles. «En permettant à l’espèce d’accroître la diversité génétique de sa descendance ce phénomène plutôt rare chez les frelons a permis de renforcer ses capacités d’adaptation vis-à-vis de l’environnement colonisé et de contribuer ainsi à la réussite de son invasion », conclut Mariangela Arca.

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