EN DIRECT DES LABORATOIRES, JUIN 2015

La fièvre Q est une maladie infectieuse provoquée par Coxiella burnetii, une bactérie de la famille des légionelles. Alors que nos connaissances sur cette pathologie très contagieuse ont largement progressé ces dernières années, l’origine de l’agent infectieux demeurait jusqu’alors mystérieuse. En passant au crible de l’analyse génétique près de 60 espèces de tiques, des chercheurs ont identifié des dizaines de nouvelles souches de Coxiella vivant en symbiose avec ces arthropodes. Ces travaux publiés le 15 mai dernier dans PLOS Pathogens ont par ailleurs permis de montrer que l’agent responsable de la fièvre Q est apparenté à certains de ces microorganismes symbiotiques.

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La tique du mouton, Ixodes ricinus, est une des 40 espèces où de nouvelles souches
de Coxiella atypiques ont été identifiées – © Elsa Léger

Découverte en 1935, la fièvre Q est une pathologie qui touche de nombreux mammifères ruminants à travers le monde. Les hommes vivant au contact de ces animaux (fermiers, vétérinaires, employés d’abattoirs, etc.) sont ainsi particulièrement exposés à cette maladie qui peut s’avérer très invalidante. Si les modalités d’action et de transmission de la fièvre Q sont aujourd’hui bien connues, on ne peut en dire autant de Coxiella burnetii, l’agent pathogène qui en est la cause. Afin de déterminer son origine, une équipe de l’unité Maladies Infectieuses et Vecteurs: Ecologie, Génétique, Evolution et Contrôle (MIVEGEC – CNRS/IRD/Université de Montpellier), en collaboration avec plusieurs établissements de recherche français et étrangers, a recherché C. burnetii chez des dizaines d’espèces de tiques, dont certains de ces arthropodes sont connus pour héberger le pathogène. Sur les 58 espèces étudiées, les scientifiques ont constaté que 40 d’entre elles abritaient des souches atypiques de Coxiella. « Chez chaque espèce de tique infectée, la totalité des individus étudiés hébergeait la même souche de Coxiella témoignant ainsi d’une relation très étroite entre la bactérie et l’arthropode », précise Olivier Duron, biologiste au MIVEGEC et premier auteur de ces travaux.

En déterminant les caractéristiques génétiques des souches de Coxiellea identifiées, l’équipe est ensuite parvenue à retracer l’origine évolutive de la fièvre Q. L’étude phylogénétique a permis de conclure que l’ancêtre commun de toutes les souches connues de C. burnetii était en fait une Coxiella associée aux tiques de la famille des Argasidés. Les scientifiques ont en outre déterminé le mode de transmission de ces Coxiella atypiques en analysant les œufs pondus par les tiques femelles infectées. « Le fait d’avoir retrouvé ces bactéries dans tous les œufs collectés prouve que nous avons affaire à des organismes symbiotiques à transmission maternelle quasi-exclusive », souligne Olivier Duron. Autre fait remarquable mis en évidence par cette étude : l’inaptitude des Coxiella de tiques à se développer dans des cellules de mammifères. Une telle particularité confirme le mode de vie symbiotique de ces bactéries chez les arthropodes. Elle implique également que le passage à un mode de vie pathogène chez les mammifères s’est accompagné d’une série d’adaptations spécifiques. Reste maintenant à savoir dans quelles circonstances celles-ci sont apparues. C. burnetii a-t-elle évolué d’elle-même ou bien bénéficié d’échanges de fragments d’ADN avec d’autres bactéries? Pour trancher la question, les chercheurs veulent décrypter les mécanismes moléculaires impliqués dans la virulence du microorganisme.

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