EN DIRECT DES LABORATOIRES, FÉVRIER 2015
S’il ne fait plus de doute que le succès reproducteur des mâles de nombreuses espèces diminue avec l’âge, quel est l’impact de cette altération sur leur progéniture ? Pour tenter de répondre à cette question, une équipe réunissant notamment des chercheurs de l’Unité Biogéosciences (CNRS/Université de Bourgogne) et du Centre d’Ecologie et des Sciences de la Conservation – CESCO (CNRS/MNHN/UPMC) a étudié l’impact de l’âge parental sur la croissance des descendants de l’Outarde houbara, une espèce d’oiseaux terrestre. Leurs résultats publiés le 3 février dans la revue Nature Communications montrent, sans équivoque, que l’âge du père affecte le taux d’éclosion des œufs puis la croissance des jeunes durant leur premier mois de vie.
L’Outarde houbara (Chlamydotis undulata) est un oiseau de taille moyenne notamment présent en Afrique du Nord. Considérée comme vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature, cette espèce sauvage fait l’objet d’un programme de renforcement des populations naturelles au Maroc. Cette initiative de l’Emirates Center for Wildlife Propagation étant basée sur un protocole d’insémination artificielle, permet d’isoler facilement l’effet de l’âge parental d’un ensemble de biais liés à l’environnement naturel et au comportement de l’espèce.
En s’appuyant sur cette opportunité unique, un groupe de scientifiques est parvenu à montrer que l’âge du père affectait le taux d’éclosion des œufs ainsi que les paramètres physiologiques de sa descendance. Pour arriver à cette conclusion, les biologistes ont étudié le taux d’éclosion de 59 000 œufs puis la croissance de 31 000 poussins issus de plus de 1000 couples âgés entre 1 et 23 ans. « « Nous avons ainsi montré que le taux d’éclosion atteint un pic lorsque le père a 4 ou 5 ans tandis que la croissance des oisillons durant leur premier mois de vie, décline inexorablement dès lors que l’âge du père dépasse l’âge de première reproduction »», précise Gabriele Sorci, l’un des auteurs de l’étude et chercheur dans l’Unité Biogéosciences (CNRS/Université de Bourgogne).
Ces résultats vont à l’encontre des théories sur la sélection sexuelle postulant qu’il y aurait un avantage pour les femelles à s’accoupler avec des individus âgés car ceux-ci auraient prouvé leurs capacités à résister aux prédateurs, aux parasites ou à la compétition avec leurs rivaux potentiels. « Nous supposons que l’impact clairement négatif de l’âge paternel sur les performances des jeunes est dû à l’accumulation de mutations génétiques lors des divisions cellulaires de la lignée germinale, ces cellules précurseurs des spermatozoïdes », explique Gabriele Sorci. Si une telle hypothèse reste encore à vérifier, cette étude devrait d’ores et déjà contribuer à mieux comprendre les coûts et bénéfices du choix du partenaire de reproduction en fonction de son âge chez la plupart des espèces du règne animal.