POP’SCIENCES MAG N°2, NOVEMBRE 2018
Florence Paulhiac Scherrer | Professeure à l’Université du Québec à Montréal et accueillie par le Collegium de Lyon, pour mener son projet de recherche au LAET (Laboratoire Aménagement, Économie, Transports).
Les grandes métropoles ne parlent plus des transports, mais de la mobilité. Que traduit ce changement sémantique ?
Alors que les politiques publiques centrées sur le transport se réfèrent uniquement aux réseaux de transport collectif, la notion de mobilité tient également compte des modes de déplacement privilégiés par les usagers, des raisons de leurs déplacements, ainsi que des ressources financières et cognitives qu’ils sont capables de mobiliser pour effectuer ces trajets. En substituant la politique de mobilité à celle des transports, les collectivités choisissent donc de complexifier l’éventail des enjeux auxquels elles doivent faire face. Une telle décision incite notamment à mieux prendre en compte les conditions préalables au mouvement de l’ensemble des habitants d’un même territoire urbain.
Comment ces enjeux d’égalité d’accès à la mobilité sont-ils assurés par les pouvoirs publics ?
Ces derniers mettent le plus souvent en place une politique tarifaire visant à rendre les transports collectifs socialement plus justes pour les chômeurs, les étudiants, les retraités ou les personnes en situation de handicap. La France est très en avance sur ces questions, certaines villes allant même jusqu’à instaurer une forme de tarification solidaire selon le niveau de revenu de chaque ménage. La réflexion des agglomérations en matière de mobilité s’oriente par ailleurs de plus en plus vers la notion d’accessibilité spatiale. En tenant compte de critères comme la pénibilité, le confort ou l’efficacité des divers modes de déplacement dont dispose une personne au voisinage de son domicile, on peut alors lui proposer la solution modale la moins contraignante pour rejoindre son lieu de travail.
Pourquoi la voiture individuelle reste-t-elle le premier moyen de locomotion du citadin malgré les efforts déployés par de nombreuses agglomérations pour favoriser des alternatives ?
Bien que l’on n’ait jamais autant investi dans le développement des transports collectifs et des modes de transport alternatifs, la dépendance à l’automobile reste en effet très présente dans les grandes villes. Cette situation qui peut sembler paradoxale est en grande partie liée à la physionomie de nos métropoles, à savoir un territoire très étendu où la périphérie reste peu propice au développement du transport collectif du fait de sa trop faible densité de population.
Le covoiturage et l’autopartage peuvent-ils permettre de réduire l’utilisation de la voiture individuelle dans ces quartiers périphériques ?
Dans ces lieux, l’objectif n’est pas de faire disparaître l’automobile, mais plutôt de diminuer ses effets négatifs, comme la congestion du trafic routier. En ce sens, la voiture partagée et le covoiturage peuvent constituer des alternatives intéressantes. Toutefois, pour que ces nouvelles formes de mobilité parviennent à s’imposer dans le paysage urbain, elles devront d’abord faire la démonstration d’une efficacité similaire à la voiture individuelle et ce en dehors de tout avantage écologique ou économique. Car les gens se sont pas tant attachés à leur voiture qu’à la très grande efficacité qu’offre ce mode de déplacement dans n’importe quelle circonstance.