JOURNAL DU CNRS N°270, JANVIER-FÉVRIER 2013
Dans le système solaire, les planètes disposant d’une atmosphère voient celle-ci s’étioler inexorablement. Mais pour quelles raisons ? Les mécanismes fondamentaux expliquant cette perte sont encore en partie mystérieux. Une équipe internationale menée par des chercheurs de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (Ipag)1 apporte aujourd’hui un éclairage sur le phénomène. Leur étude2 s’est focalisée sur Mars, Vénus, la Terre ainsi que sur Titan, l’un des satellites de saturne. Elle met pour la première fois en cause le rayonnement solaire ultraviolet dans la fuite de leur atmosphère. « Le vent solaire qui affecte constamment chacune d’elle est, depuis plusieurs années, considéré comme le principal responsable de cet échappement atmosphérique, mais il ne peut expliquer à lui seul la totalité du phénomène. », rappelle Jean Lilensten, planétologue à l’Ipag.
Grâce à une modélisation des processus qui conduisent à l’échappement atmosphérique au cours du temps, les scientifiques sont parvenus à simuler précisément l’action du rayonnement solaire ultraviolet. Leur analyse confirme que ce rayonnement ultraviolet provoque, dans l’atmosphère supérieure des trois planètes et du satellite, la formation d’ions qui s’échappent en plongeant dans le champ magnétique porté par le vent solaire. Dans le cas de Mars et de Vénus, l’étude montre que ce rayonnement est capable d’arracher deux électrons au dioxyde de carbone (CO2), qui compose l’essentiel de leur atmosphère. Ainsi doublement chargée, la molécule CO2est instable et se scinde en deux ions positifs, principalement CO+ et O+, qui se repoussent mutuellement à une vitesse moyenne de 6km/s. Une vitesse suffisante pour permettre au gaz d’échapper à l’attraction de Mars (mais pas à celle de Vénus, huit fois plus massive) et se disperser ensuite dans l’espace.
La part de responsabilité du rayonnement solaire ultraviolet est marginale dans l’érosion des atmosphères denses de Vénus et de la Terre. Elle était aussi marginale, il y a 3,6 milliards d’années, dans la fuite de l’atmosphère de Mars qui était cent fois plus importante qu’aujourd’hui. Mais, pour Mars, l’impact du rayonnement solaire n’a cessé de croître : « A mesure que le réservoir atmosphérique se vidait, le phénomène a naturellement pris de l’ampleur », souligne Jean Lilensten Selon les calculs des chercheurs, l’ensemble des mécanismes à l’œuvre sur la planète rouge pourrait provoquer la disparition presque complète de son atmosphère d’ici à 2 milliards d’années.
- Unité CNRS/ Université Joseph Fourier
- Icarus, janvier 2012, vol.222,n°1,pp.169-187.